jeudi 22 novembre 2012
théatre Soutine à Lèves (28)
Les Chaises
d'Eugène Ionesco
pièce en un acte, écrite en 1951, créée le 22 avril 1952, et publiée en 1954.
mise en scène Philippe Adrien
interprété par la Compagnie du 3éme oeil
avec Monica Companys "la Vieille"
Alexis Rangeard "le Vieux"
Bruno Netter "l'Orateur"
Un vieillard et son épouse, isolés sur une île, ressassent leurs souvenirs. Lui, croit avoir un message à transmettre à l'humanité et convoque une assemblée nombreuse. Les invités arrivent, mais ils sont invisibles. A chaque entrée, les Vieux s'empressent d'apporter une chaise et engagent avec leur hôte une conversation.
"j'ai essayé, déclare Ionesco, de rendre sensible mon propre sentiment de l'irréalité du monde et par les moyens du langage, des gestes, du jeu, des accessoires, d'exprimer le vide, d'exprimer l'absence."
photo copiée de la brochure de l'Espace Soutine (pas de nom d'auteur)
Source : Article "Les Chaises" de Wikipédia en français (auteurs)
crédit: Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0.
Les Chaises est l'une des pièces les plus connues d'Eugène Ionesco. Elle est en effet assez représentative des principaux aspects de son théâtre, de ses trouvailles.
Ionesco est tout d'abord l'inventeur du mécanisme de prolifération, figurant très fortement la sensation d'étouffement, de perte du contrôle, voire de cauchemar (d'ailleurs, le théâtre de Ionesco est comme du théâtre en rêve). Voir ainsi à la fin de la pièce lorsque la Vieille apporte un nombre incroyable de chaises, pour essayer de faire s'asseoir tous les invités invisibles.
Ce mécanisme fait penser à son autre pièce, "Victimes du devoir", où Madeleine remplit la scène de tasses à café, ou à "Amédée ou Comment s'en débarrasser" lorsque le mort grandit avec la plus grande démesure.
Ce mécanisme est bien une invention de Ionesco, et traduit toute son angoisse face à un phénomène incontrôlable et cauchemardesque, qui grandit avec la peur que sa poussée engendre.
Pour revenir à la pièce, les invités que reçoit le couple de vieillards ont la particularité d'être ce qu'ils ne sont pas. En effet, ce sont des fantômes, des paroles sans auteur, des présences sans personne, des êtres dans le néant. Ce mot est à retenir, car il est le véritable thème de la pièce.
Il se retrouve également dans les discours opposés de sens, donc mêlés, vides de toute logique, lorsque la vieille et le vieux décrivent leur fils totalement différemment. (Le vieux assure qu'ils n'ont jamais eu de fils tandis que la vieille dit en avoir un).
En outre, le néant est présent à travers l'échec du vieux qui, bien que très vieux, n'a jamais eu d'amis, n'a rien connu ("Lorsque j'ai voulu traverser la rivière, on m'a coupé les ponts, lorsque j'ai voulu franchir les Pyrénées, il n'y avait déjà plus de Pyrénées"), et dont le produit de toute son existence (95 ans) est le fameux "Message" que les invités sont censés entendre à la fin de la pièce.
Hélas, comble de l'ironie, l'orateur qui doit le leur dire, est muet. Ainsi tous ces mots, tous ces actes sourds, finissent par un silence. Et, le vieux et la vieille, avant que le mutisme de l'orateur ne soit révélé, se jettent par des fenêtres opposées, pour mourir.
La présence illusoire des chaises finit par la solitude dans la mort, et toutes les formules de politesses et les flatteries finissent par le silence dans l'échec, soit, en un mot : par du néant.
On peut en déduire enfin, que Les Chaises ne relève pas, ou tout du moins pas uniquement, du théâtre de l'absurde, mais aussi du théâtre fantastique. Le terme "fantastique" est ici à prendre dans le sens du registre, c'est-à-dire l'intrusion de l'irrationnel dans le réel, et ne peut souffrir aucune comparaison avec les œuvres contemporaines que l'on nomme de la même manière.
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